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- Blocus de l’Arménie
Cela fait 35 ans que l’Arménie, privée d’accès à la mer, subit un blocus systématique et une isolation de la part de deux Etats voisins, ennemis et génocidaires – l’Azerbaïdjan et la Turquie -. Bien que, prétendument, l’Arménie aurait fermé les voies de communication dans le Caucase-sud, la réalité est toute autre : l’Arménie n’a jamais fermé de voie de communication inter-Etat ni de voie de chemin de fer. Toutes les voies de communication autour de l’Arménie ont été coupées de diverses manières dès 1988. Cela a créé une crise humanitaire et géopolitique sans précédent pour l’Arménie, le Caucase- sud et le Proche-Orient.
Ce blocus a connu quatre étapes :
- à partir de 1988, l’Azerbaïdjan a imposé à l’Arménie un blocus total ;
- conséquences des guerres de 1991 à 2013, sous contrôle des USA contre l’Iran, la route de l’Arménie via l’Iran, l’Irak et le monde arabe a été fermée. De plus, l’Iran lui-même est sous le coup de sanctions économiques, obstacle à un développement normal tant pour l’Iran que pour l’Arménie ;
- en 1992, la voie de chemin de fer venant de Russie vers l’Arménie via la Géorgie a été fermée ;
- en 1993, la Turquie a fermé sa frontière avec l’Arménie. De ce fait, elle a fermé la route de l’Arménie qui traversait le territoire turc vers l’Europe.
Il convient de rappeler la Résolution 3314 de l’ONU « De la définition d’une agression » : le blocus est considéré non seulement en tant qu’acte d’agression mais également comme acte de guerre.
Les évènements autour et en Arménie ont un but de long terme et une logique – d’après l’exemple des évènements de septembre-octobre 1920 : imposer au peuple arménien un nouveau traité d’après lequel l’Arménie renoncerait à toute résistance, à toute défense et à tous les droits qui lui ont été octroyés, y inclus ses droits sur ses territoires souverains comme cela s’est produit avec le traité d’Alexandropol du 2 décembre 1920, imposé à l’Arménie.
2. les exigences répétées et imposées sous la menace de la force à l’Arménie par les traités suivants
- Traité de Bakou, 1918, Article 5
- Traité d’Alexandropol, 1920, Articles 4, 5, 6, 7, 9, 13
- Traité de Moscou, 1921, Article 8
- Traité de Kars, 1921, Articles 2, 5, 10
- Protocoles sur le développement des relations bilatérales entre la République d’Arménie et la République de Turquie, 10 août 2009, Zurich, Suisse
- Accord entre la République Arméne et la République Azerbaïdjan, 2025, Article 2, 3, 8, 11, 14, 15.
- Plan d’échange de territoires
A première vue et bien étrange, quand et comment a émergé cette thèse d’échange territorial en corridors alors qu’on constate que l’Arménie subit un blocus total malgré la Sentence Arbitrale du Président des Etats-Unis d’Amérique Woodrow Wilson du 22 novembre 1920 selon laquelle l’Arménie devait avoir, par Trébizonde, un accès à la mer Noire. Dès le début, toutes les parties ont trahis ces décisions et mentionnaient seulement le corridor de Meghri (à l’heure actuelle Syunik) aux dépens de l’Arménie, ignorant ses intérêts au Proche-Orient et au Caucase-sud.
Le premier plan d’échange a été le règlement du conflit du Haut Karabagh connu sous le nom de Goble. Paul Goble est un expert-analyste américain concernant les questions nationales en URSS. Dans les années 1980, il a travaillé au Département d’Etat et dans les années 1990 au bureau washingtonien de radio « Liberté » et «Libre Europe».
Dès 1991, Paul Globe a proposé un plan supposé régler le conflit de l’Artsakh (Nagorno-Karabagh) par voie d’échange territorial entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : l’échange du district de Latchine de l’Artsakh contre le district de Meghri de l’Arménie garantissait une liaison terrestre directe entre l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan et pour l’Arménie une liaison avec le Haut Karabagh. Cette variante n’excluait pas la possibilité d’une reconnaissance de l’indépendance du Haut-Karabagh ou bien son inclusion à l’Arménie.
Le second plan est celui de Ralf Petersen, sous-officier en retraite des Forces armées américaines, analyste militaire, écrivain, commentateur qui, en 2006, dans la revue des Forces armées américaines a publié l’article « Frontières ensanglantées : la nouvelle carte du Proche-Orient en fonction de la religion et de la race ». Sur la présentation de la nouvelle carte, on voit que Meghri, appartenant à l’Arménie, est transféré à l’Azerbaïdjan et ne figure pas sur cette carte. La République autonome du Nakhitchevan n’y figure pas non plus. De plus, la région autonome du Haut-Karabagh n’est pas mentionnée non plus? Tout, sur cette carte, figure comme partie intégrante de l’Azerbaïdjan sans indication de frontières entre régions et territoires autonomes.
Les énormes contradictions d’avec les réalités juridiques et politiques contenues aussi bien dans le plan de Goble que de Petersen induisent l’idée suivante :
- la logique d’un corridor ne tient pas compte des intérêts de l’Arménie car il lui est proposé de céder un territoire vital important – Meghri – en échange d’une paix avec l’Azerbaïdjan ou de communications régionales
- l’Arménie a des droits juridiques pour ne pas céder mais exiger l’application de la Sentence Arbitrale du 28e Président des Etats-Unis d’Amérique Woodrow Wilson
- la population arménienne de l’Artsakh avait et a le droit de se protéger, de s’autodéterminer librement . Même les agressions par l’Azerbaïdjan, les nettoyages ethniques, les déportations et le Génocide ne peuvent la priver de ces droits.
Soulignons que l’ idée de corridors aux dépens de l’Arménie a surgi, non par des intermédiaires épris de paix, mais par des plans et calculs illégaux, criminels, de centres régionaux et géopolitiques précis.
- Réalité du plan « corridors » et d’échanges territoriaux
N’est-il pas étrange qu’aujourd’hui n’existent plus la Région autonome du Haut-Karabagh ni le corridor de Latchine alors que la thèse des « corridors » d’échanges territoriaux est toujours d’actualité sous forme du plan Paul Goble et par les cartes et articles de Ralph Petersen. En réalité, ce plan d’échanges territoriaux, ici Meghri-Latchine, dissimule non pas un unique et simple plan comme il y paraît mais deux projets machiavéliques de long terme que l’on ne décèle pas à première lecture
Il s’agit :
a) d’organiser le blocus de l’Iran côté arménien par échange de territoires ;
b) par ce corridor créé assurer une voie terrestre entre l’Azerbaïdjan et la Turquie, en ouvrant la route du Touran vers l’Asie centrale.
C’était la raison essentielle pour laquelle de nombreux représentants politiques arméniens s’opposaient à l’échange territorial, car tout simplement
a) Meghri représente l’axe vertébral des communications de l’Arménie, de l’Orient vers l’Occident ;
b) céder Meghri porterait un coup mortel à la situation géopolitique de l’ Arménie en tant que communicateur inter-civilisationnel et carrefour et priverait l’Arménie – en situation de blocus – de son unique possibilité de communiquer avec le monde extérieur par l’Iran.
- Origine de la thèse des corridors
Dans l’Occident global s’est formée cette logique selon laquelle l’Azerbaïdjan a un besoin absolu d’une liaison directe avec la Turquie et le Nakhitchevan, ce qui renforcera géopolitiquement les voies de communications turques. C’est ce qu’il ressort du plan Paul Globe (1991) et de l’article suivi d’une carte de Ralph Petersen (2006). Aujourd’hui, une partie de cette idée est contenue dans le dit « Corridor du Zanguezour » soutenu par la Turquie et l’Azerbaïdjan et que l’Arménie – sous blocus – , a toujours été considérée comme « victime et maillon faible ». Cette situation a effectivement conduit à bafouer les droits du peuple arménien à une existence, à un développement et à un futur, à sa survie et celle de son pays, aux questions relatives à l’application des droits qui lui ont été accordés.
Les premiers ouvrages contenant la programmation des principes du panturkisme ont été publiés en Angleterre en 1873-1874, en Allemagne en 1877, en France en 1889. Les auteurs de ces livres ne sont pas turcs, mais européens. Et selon les études de l’avocat, publiciste et intellectuel libano-arménien Gaspar Terteryan, ils sont sionistes juifs. Ainsi, si le Touran passe par l’Arménie, – si bien entendu il y passe -, alors les grands joueurs de l’Occident collectif pourront fêter leur victoire à la Pyrrhus. Une autre question se pose : quels nouveaux atouts pour l’Angleterre et les USA, l’Union européenne et Israël, la France et l’Allemagne mais aussi la Russie et la Chine. Comment se déroulera ce nouveau jeu dans ce contexte nouveau et quelle en sera la qualité et lequel d’entre eux sera vainqueur et qui va perdre, définitivement, peut-être pour longtemps et peut-être pour toujours ?
Il est clair que le vainqueur sera exclusivement issu d’un des pays cité plus haut. La tâche des analystes actuels est de répondre à la question : quel est donc l’Etat qui deviendrait une superpuissance jusque là inégalée.
Les autres commenceront à subir une période de déclin, longue, cruelle et affligeante. Nous pouvons le prédire : c’est l’Etat qui soutenait depuis des siècles le Touran. Répétons-le, si bien entendu, bien sûr, le Touran passe par l’Arménie.
- Le territoire et les frontières de l’Artsakh (région autonome du Nagorno-Karabagh)
Les 28 avril et 2 décembre 1920, à la suite de l’entrée de l’Armée Rouge, l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont été soviétisés.
La même année, sur la base de la déclaration de l’Azerbaïdjan soviétique concernant le refus sur les prétentions « de territoires revendiqués » et l’accord entre les gouvernements de l’Arménie soviétique et de l’Azerbaïdjan, en juin 1921 l’Arménie a déclaré l’Artsakh (Haut-Karabagh) comme sa partie intégrante. Cet acte d’intégration a été reconnu aussi bien par les instances internationales que par la Russie bolchévique et a été avalisé par une Résolution de la Ligue des Nations le 20 décembre 1920 par une note de son Secrétaire général envoyée aux Etats-membres et également dans le rapport annuel 1920-1921 du XIe Congrès des Soviets du Commissariat aux Affaires Etrangères de la République socialiste soviétique de Russie.
Mais, le 5 juillet 1921, le Bureau caucasien du parti communiste de Russie (bolchévique) a voulu ignorer cette décision de la Ligue des Nations et de l’opinion populaire, instrument démocratique s’il en est, pour la détermination des frontières entre l’Arménie soviétique et l’Azerbaïdjan, et reniant sa décision première d’une union de l’Arménie soviétique et de l’Artsakh, sous la pression directe de Joseph Staline et par le biais de procédures, a décidé de séparer de force l’Artsakh de l’Arménie en créant une région nationale autonome aux droits élargis, enclavée dans l’Azerbaïdjan soviétique.
C’est de cette manière qu’une grande partie des territoires contestés a été donnée à l’Azerbaïdjan soviétique.
Le 7 juillet 1923, sur parties du territoire de l’Artsakh a été créée la Région autonome du Haut-Karabagh et dans le même temps l’artificiel Kurdistan Rouge dans le but de séparer l’Arménie soviétique de la Région autonome du Haut-Karabagh. En 1929, le Kurdistan Rouge a été liquidé et les terres de l’Artsakh ont été directement incluses dans l’Azerbaïdjan soviétique.
En conclusion
Dans un contexte d’atermoiements voulus concernant une solution juste pour le conflit du Karabagh, décision a été prise d’entreprendre des actions décisives et agressives contre l’Artsakh : après 2018 – changement du pouvoir politique en Arménie et propagation à travers le monde de la pandémie COVID-19 : sont arrivés au pouvoir en Arménie des gens et des groupes qui auraient soutenu la réalisation des plans Goble et Petersen pour dépeupler l’Artsakh et céder le corridor de Meghri.
En septembre 2020 la coalition Azerbaïdjan-Turquie-Pakistan avec le soutien d’Israël et un consensus élargi , a entrepris l’agression de 44 jours et une guerre contre l’Artsakh terminées par la malheureuse déclaration tripartite du 9 novembre.
Puis, il restait à porter le dernier coup.
Devant le silence – approbatif ?- de l’opinion internationale et des Etats-membres du Groupe de Minsk, l’Azerbaïdjan a organisé en Artsakh un blocus total et illégal de neuf mois engendrant une famine massive suivi, à partir du 19 septembre 2023, d’épurations ethniques, de Génocide et de déportation des arméniens d’Artsakh.
C’est ainsi que se termine la deuxième étape -1988-2023 -, du conflit de l’Artsakh (Haut-Karabagh) en ayant en mémoire que les évènements de la première étape ont eu lieu entre 1918 et 1921.
Rappelons que, conformément à la Résolution du 26 novembre 1968 de l’Organisation des Nations Unies « Les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles » ainsi que le Génocide.
Ici nous répéterons ce qui a été dit de nombreuses fois : l’objectif du peuple arménien et de l’Etat Arménie, aujourd’hui comme hier, est : » Défense globale et défense des droits octroyés au peuple arménien ».
La classe politique arménienne, l’idée politique en elle-même, le peuple arménien tout entier vont s’emparer de la troisième étape du conflit de l’Artsakh, ayant appris les leçons amères de l’histoire, de la diplomatie, du droit, des lois et, avec une nouvelle réflexion et une nouvelle force et cela se passera très bientôt.
Et une résolution définitive et juste et la Victoire appartiendront au peuple arménien.
Tigran Pashabezyan
Premier ministre de l’État d’Arménie (République de l’Arménie Occidentale)
12 septembre 2025